Lady Chatterley : l’âpreté rayonnante de la chair.JPEG
Article mis en ligne le 15 mai 2010
dernière modification le 16 janvier 2010
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Un véritable miracle. C’est la première sensation qui s’impose à la vision de ce film bouleversant, qui scelle l’improbable rencontre d’une cinéaste française trop rare (Pascale Ferran) et d’un texte anglais trop connu (L’Amant de Lady Chatterley, publié en 1928 par l’écrivain anglais David Herbert Lawrence). Même si, en vérité, Pascale Ferran s’est attaquée ici à une version antérieure et méconnue du texte canonique, intitulée Lady Chatterley et l’homme des bois (publié aux éditions Gallimard).

A quoi tient, en tout état de cause, le miracle ? Pour le dire en un mot, au fait que ce film renoue avec un génie cinématographique national qu’on croyait révolu. Ce réalisme lyrique, cette élégante fluidité, cet intimisme palpitant au rythme du monde, cette âpreté rayonnante de la chair, cette justesse d’approche et de ton, enfin, qui va droit au coeur des êtres et des choses, et qu’on ne croyait plus possible de voir et de ressentir avec une telle intensité depuis Grémillon, Renoir ou Pialat.

L’histoire est connue et remet sur le métier un thème florissant : celui de l’amour contrarié entre deux personnes que leur origine sociale sépare. L’action se déroule au lendemain de la première guerre mondiale, de laquelle Sir Chatterley, bourgeois anglais grand teint, est revenu paralysé, désormais contraint de se déplacer en fauteuil roulant. Cet homme réduit dans sa virilité partage son temps entre l’amertume des conversations entre anciens combattants et la gestion crispée de ses privilèges de classe dans l’usine qu’il dirige. Confinée dans leur vaste domaine, soumise au puritanisme doublement décrépit d’un homme dont les valeurs, en même temps que son corps, viennent d’être invalidées par le carnage de la guerre, sa femme s’évade de plus en plus souvent en forêt. Elle y rencontre Parkin, le garde-chasse, et finit par s’éprendre passionnément de cet homme d’extraction modeste, aussi secret qu’entier, cette dernière qualité étant en la circonstance non négligeable.

LENT APPRIVOISEMENT

La transposition de Pascale Ferran ne tire pas ses qualités du parfum de scandale provoqué, à l’époque, par la charge érotique du roman. Resserré autour de la relation entre les deux amants, le film tient au contraire tout entier dans la manière, admirable, dont est mis en scène leur insensible rapprochement, surmonté le grand écart social, culturel et physique qui fonde la mutuelle attirance de la belle fiévreuse et de la brute suspicieuse. Pour dire le vrai, on aura très rarement vu au cinéma l’amour et le sexe, la réticence et l’abandon, l’attente et la jouissance, le sentiment et la chair aussi bien filmés qu’à travers le lent apprivoisement de cet homme et de cette femme, pour cette raison qu’ils sont manifestement pensés, et donc filmés, ensemble. La beauté primitive et sensuelle qui habite le film, l’attention qu’il porte à la nature et à la matérialité des choses, aux couleurs, aux tons et aux rythmes changeants à travers lesquels se noue et se consomme la rencontre entre ces deux personnages, tout cela contribue à rendre caduques les questions de morale et de pudeur qui se posent ordinairement en la matière.

Incarnée par deux acteurs sidérants (Marina Hands ou la grâce absolue, Jean-Louis Coulloc’h ou la virilité magnifiée), aux côtés desquels Hippolyte Girardot campe un Clifford Chatterley magnifique de raideur, cette histoire si simple devient ainsi une exaltation dionysiaque de la puissance révolutionnaire de l’amour contre l’aliénation sociale qui paralyse, insidieusement ou manifestement, les hommes. A ce titre, ce qui se joue dans le film se joue aussi bien pour le film, dont le projet et la mise en oeuvre relèvent de l’utopie. Comment convaincre aujourd’hui quiconque qu’il est possible d’adapter au cinéma un classique de la littérature mondiale avec un budget restreint, possible de risquer une reconstitution historique en la limitant à quelques lieux et personnages qui se comptent sur les doigts d’une main, possible de faire durer ce plaisir deux heures trente ?

Il y a pourtant plus de cinéma dans ce film que dans beaucoup d’autres qui ne s’en réclament qu’au titre de la plus-value de budget, de stars ou de salles. Pascale Ferran prouve a contrario que tout tient, en la matière, au regard qu’on porte sur les choses, et au temps qu’on s’accorde pour les faire vivre et les voir changer. L’histoire de Constance et Parkin n’est rien d’autre que celle d’une différence fondatrice (d’origine, de sexe) et d’une passion obstinément muette que le film transmue, dans le mystère de la chair, en une possibilité ultime de parole enfin partagée. Cela, seul le cinéma le peut, et quand il le peut avec cette intensité d’inspiration et de désir, c’est tout simplement éblouissant.

Film français. Avec Marina Hands, Jean-Louis Coulloc’h, Hippolyte Girardot, Hélène Alexandridis, Hélène Fillières. (2 h 30.)

Source Lemonde


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