Les Plages d’AgnèsJPEG.
Article mis en ligne le 31 août 2010
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entre pudeur et affichage de l’intime, Agnès Varda reconstitue le puzzle de sa vie. Superbe.

Le Monde

A l’heure de fêter ses 80 balais, Agnès Varda donne un coup de brosse sur ses souvenirs. La démarche est attendrie, enjouée, malicieusement inventive. Inspiré par ces mots de Michel de Montaigne en préface des Essais, ce film, cite-t-elle, est destiné "à ce que (l’)ayant perdue (ce qu’ils auront à faire bientôt)", ses parents et amis y puissent la retrouver telle qu’elle fut.

 EXCELLENT

Toute mémoire est en désordre, toute sensation difficile à capturer, et ce type de défi délicat à relever entre pudeur et affichage de l’intime. Le projet d’Agnès V. ne pouvait prendre sens que si elle lui trouvait une forme appropriée, une cinécriture qui lui ressemble. "Peut-on reconstituer quelqu’un ?, dit-elle. Le côté puzzle me plaît."

Va pour le puzzle, le kaléidoscope, et même plus que cela. Il faut prendre ici le projet de "tout déballer sans pour autant tout dévoiler" au sens visuel. Cet autoportrait est à la fois un résumé biographique et un patchwork de ses techniques esthétiques, usant de la photographie, de l’extrait de films, de l’installation et du dispositif via cadres, miroirs, trucages, bricolages, costumes, décors, parenthèses et digressions. Varda y fait les puces dans son bric-à-brac, elle fait la glaneuse de moments privilégiés, elle chine, flâne, filme et s’amuse : "Faire un peu le clown me convient et m’a permis de prendre du recul."

Exemple de sa méthode : le collage. Pas seulement le rapprochement d’une adolescence à Sète, au milieu des pêcheurs, avec son premier film, La Pointe courte (1954), prolongé d’une confrontation des images de fiction d’hier et des figurants vieillis d’aujourd’hui.

 FAIRE SURGIR L’IMPALPABLE

Mais aussi ce que ce procédé induit de dévotion au surréalisme, et à sa manière de faire surgir l’impalpable par l’onirisme. Quand vient l’instant d’évoquer la manière d’"aborder au rivage des hommes, de quitter l’état de vierge", elle rend vivant un tableau de Magritte (amants nus au visage voilé), figure le désir et l’amour fou par une étreinte sur une plage.

La plage, chez elle, est irréductiblement liée au couple, celui qu’elle forma avec Jacques Demy, qui lui fit découvrir Noirmoutier, où elle réalisa, pour une exposition en 2006, un documentaire, Quelques veuves de Noirmoutier. Le sable, la pêche et les coquillages jalonnent aussi une chronologie qui la mène des bords de la mer du Nord (elle est née en Belgique) à Sète (en exode), Ajaccio (une fugue de jeunesse), du côté de la Côte d’Azur (pour un court métrage), Los Angeles (période hippie)... et son refuge actuel, la rue Daguerre, dans le 14e arrondissement parisien, qu’elle transforme en site estival à parasols, y faisant apparaître en maillot de bain les collaboratrices de sa maison de production.

C’est en coque à voile que nous la voyons arriver sur la Seine, à Paris, où après avoir suivi l’Ecole du Louvre, les cours de Bachelard à la Sorbonne, l’Ecole de Vaugirard section photographie, elle ne pouvait que devenir l’une des timonières de la Nouvelle Vague. Comme Godard dans Passion, elle a le goût du tableau vivant (Baldung Grien dans Cléo de 5 à 7, les impressionnistes dans Le Bonheur, Picasso dans Lions’ Love).

"Je joue une petite vieille, rondouillarde, qui raconte sa vie" : voilà tout à coup que cette grand-mère entourée de ses petits enfants se moque d’elle-même, empotée dans une voiture à pédales de môme, ou déguisée en charbonnier, en patate sonore à la Biennale de Venise.

Tout le film est en rupture de ton. L’autodérision démine la nostalgie, l’évocation des grands hommes et amis (Jean Vilar, Chris Marker) débouche sur l’hommage aux chers défunts, l’inventaire tout en grâce, légèreté et petites facéties n’oublie pas les heures sombres de l’Occupation, le combat des Justes, la cause féministe. Du cirque au deuil, elle se filme marchant à reculons, égrène un parcours voué à la liberté et à deux histoires d’amour : l’une avec Jacques D., l’autre avec l’art.

Les larmes, que ce film enchanteur et émouvant fait ici et là monter aux yeux, signent son caractère universel. Agnès Varda a filmé une Autobiographie de tout le monde (pour reprendre le titre des Mémoires de Gertrude Stein). En même temps qu’un chant dévot pour le cinéma, qu’elle même définit comme une "lumière retenue par des images".


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