Notre dernier tournage de long-métrage s’est fait sous la nouvelle convention : plusieurs articles sont peu clairs, sujets à interprétation au détriment des salariés, voire à renégocier…
Je suis membre d’une équipe électrique. Pour le dernier long-métrage sur lequel nous avons travaillé, au début du printemps, nous nous sommes référés pour la première fois à la nouvelle convention collective du cinéma du 19 janvier 2012 et de son avenant du 8 octobre 2013.
Malgré la bonne volonté de la production et de son directeur sur notre plateau, plusieurs articles sont sujets à caution, difficiles à comprendre faute de lexique approprié, voire source de désaccord, même lorsqu’ on est de bonne volonté, conscients de participer à une oeuvre commune.
Nous reproduisons, à toute fin utile aux autres équipes qui utiliseront par la suite cette nouvelle convention, le texte que nous avons élaboré et transmis à la CGT-spectacle ainsi qu’au SNTPCT (dont certains d’entre nous sommes membres). Même ces deux syndicats ont eu du mal à s’accorder sur l’un des sujets de désaccord, la "proratisation" du salaire minimum garanti à la semaine car nous avons travaillé quatre jours au lieu de cinq à deux reprises. L’article qui servait de référence à notre directeur de production était l’article 30, intitulé : Equivalence, dont la dernière phrase du 2e paragraphe servait de justification :
Il est bien entendu que les rémunérations indiquées seront proratisées en fonction du nombre de jours concernés.
La phrase est difficile à comprendre, elle incite à l’interprétation, ce qui n’est que rarement à l’avantage des salariés…
Pour notre part, nous comprenions que Toute semaine commencée est dûe, et que de même que la notion de salaire hebdomadaire minimum garanti nous assure un salaire dans le cadre de nos emplois déjà très précaires, nous ne saurions faire les frais des aléas de la disponibilité d’un décors, d’un acteur ou des contraintes particulières du plan de travail. Vous nous comprenez à demi-mot : voici un exemple de précarisation supplémentaire de notre métier.
L’autre motif de désaccord est le terme de tournage qui est entendu au sens large dans la convention collective, c’est à dire dans le sens général de Fabrication d’un film ou Film. Le terme tournage comprend les différents moments de la journée de tournage : préparation, tournage proprement dit et rangement. Or l’article 38, Majorations des heures de travail effectuées au-delà de la 10e heure de tournage, à été interprété par le directeur de production comme étant le moment de tournage dans la journée de travail effectif, exclutant dés lors le travail de préparation et de rangement de la majoration à laquelle ces dépassements d’horaire nous donnent droit.
Enfin, je ne reviendrai pas sur la signature de l’avenant du 8 octobre 2013 qui bride le cumul des majorations à + 100% et nous pénalise considérablement lors du travail de nuit, particulièrement pénible et usant, alors que ces majorations de nuit étaient envisagées dans la précédente convention comme des pénalités sensées décourager les productions à y recourir…
Chers camarades qui lisez ces lignes, il nous reste du travail si nous voulons continuer à travailler dans de bonnes conditions…
Cordialement,
NOTES
EN VUE DE LA COMMISSION D’INTERPRETATION
DE LA CONVENTION COLLECTIVE DU CINEMA
TITRE II
Paris, le 7 avril 2014,
ARTICLE 10 :
Que faire quand les partenaires sociaux ne se réunissent pas et que la réévaluation n’a pas lieu ? Ne peut-il pas y avoir un processus automatique (cf. : l’enlisement de la situation avec la convention du téléfilm) ?
ARTICLE 30 :
Nous sommes dans le cas d’un engagement pour un tournage de film complet de deux mois. Au milieu et aux extrémités du contrat, le plan de travail nous impose quelques semaines de quatre jours. Notre contrat prévoit une rémunération au prorata de la semaine de cinq jours.
L’article 30 dit :
« Il est bien entendu que les rémunérations indiquées seront proratisées en
fonction du nombre de jours concernés. »
Pour nous, clairement, cette phrase signifie que le nombre d’heures de travail quotidien incluses dans cette rémunération minimum garantie ne peut dépasser le prorata du nombre de jours concernés, soit :
– semaine de 5 jours (5 jours concernés) : 46 / 5 = 9,2 heures par jour.
– semaine de 6 jours (6 jours concernés) : 56 / 6 = 9,3 heures par jour.
Au delà :
« Les heures supplémentaires de tournage qui seraient effectuées et qui amèneraient, le cas échéant, un dépassement de la durée du travail effectif préfixée s’ajoutent au total des heures de travail effectif et sont rémunérées conformément aux dispositions de la présente convention. »
Il en découle que ces proratas sont également des minima quotidiens.
Dès lors, il nous paraît clair que le salaire hebdomadaire est garanti, quel que soit le nombre de jours travaillés, comme le rappelle l’article 26 :
« Le travail est organisé sur la base de 5 jours hebdomadaires. »
Dans le cas d’une semaine incomplète, nous suggérons de basculer à l’article 34 intitulé Engagement à la journée hors forfait jours.
Par ailleurs, la « proratisation » des rémunérations hebdomadaires proposée dans notre contrat nous paraît incompatible avec l’interdiction de prendre tout autre engagement pendant la durée ce même contrat. L’employeur ne peut pas, à la fois, nous engager partiellement et nous empêcher de travailler quand nous ne travaillons pas pour lui !
DUREE DE TRAVAIL JOURNALIER :
La convention fait à plusieurs reprises allusion à une durée de travail minimum de 7h par jour :
– article 16 (fin)
– article 24 (fin) : « …la durée du travail collective se trouverait réduite, selon les lieux de prises de vues, à une durée bien inférieure à 7 heures de travail journalier. »
– article 34
– article 41 (fin)
– article 42 : « Tous les jours fériés non travaillés sont rémunérés comme un jour de travail normal pour une durée minimale de 7 heures. »
Dès lors, il nous paraît nécessaire de préciser que, pour un engagement à la semaine, la rémunération d’une journée de travail ne peut être inférieure à 7 heures.
L’article 28 évoque le fait qu’une journée de travail a clairement un début et une fin de journée pré-établis. Comment se fait-il que les feuilles de service ne mentionnent plus que l’heure de PAT, alors que ce terme n’est pas décrit dans cette convention ? Comme dans toute société, l’employé du cinéma est convoqué pour des horaires préétablis.
Si la journée se termine avant la fin prévue du tournage, il nous paraît impossible que le temps entre la fin de journée de travail réelle et la fin prévue du tournage ne soit pas rémunéré.
ARTICLE 38 :
Le terme « tournage » dans l’article 24 est utilisé à plusieurs escients. S’agit-il de la période définie par le plan de travail ou du moment de la journée consacré à la prise de vue
Si, dans l’article 38, on remplace le mot tournage par le mot film, ou fabrication du film, on comprend bien qu’il s’agit de l’ensemble des moments qui constituent la journée de travail sur un film (préparation, tournage et rangement).
Les temps de préparation étant différents selon les fonctions, au nom de l’égalité entre les salariés, il nous paraît évident que les majorations au delà de la 10ème heure doivent s’appliquer à partir de la 11ème heure de travail effectif.
ARTICLE 46 :
La plupart des membres de l’équipe ont des périodes de travail qui précèdent ou suivent la période de tournage (= plan de travail) : repérages, essais, chargements et rendus de matériels, installations (prélight, démontage…) : toujours au nom de l’égalité entre les salariés, le repas devrait être pris en charge pour ces jours de travail pour tout salarié.