Une exécution ordinaireJPEG
Article mis en ligne le 21 février 2010
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L’HISTOIRE :

En 1952 à Moscou, un jeune et pauvre couple survit grâce à l’Amour. Mais leur bonheur se trouve rapidement menacé par une situation politique tendue. Médecin urologue, Anna pratique le magnétisme pour soigner la plupart de ses malades. La jalousie de ses collègues, beaucoup plus conventionnels, les conduit à la dénoncer. Mais contre toute attente, ce talent arrive finalement aux oreilles de Staline qui décide de faire secrètement appel à ses services. Petit à petit, le dictateur s’installe dans la vie d’Anna et l’entraîne dans un cercle vicieux, extrêmement dangereux. Après moult confidences et autres manipulations, la jeune femme se perd, entre sentiments et devoir politique.

D’abord romancier, Marc Dugain fait aujourd’hui ses premiers pas en tant que metteur en scène. Sa relation avec le Septième Art remonte cependant à plus de vingt ans. En 2000, François Dupeyron avait en effet eu la bonne idée d’adapter pour le grand écran son livre La Chambre des officiers. Par la suite, il a suffi d’une rencontre avec le producteur Jean-Louis Livi pour amener l’auteur à transposer lui-même une autre de ses oeuvres littéraires, intitulée Une exécution ordinaire, et ce, après un détour par la case théâtre. A l’arrivée, le film est une réussite quasi totale et s’impose comme l’une des premières claques cinématographiques de cette année 2010.


André Dussollier, acteur magistral

Proposer le rôle de Staline à André Dussollier peut paraître, dans un premier temps, une idée complètement farfelue. Ce n’est pourtant pas le premier à prendre un risque aussi grand que celui d’interpréter un personnage historique. Par exemple, Michel Bouquet rendit hommage à l’ancien Président de la République François Mitterrand avec beaucoup de talent (et sans aucun maquillage) dans le film de Robert Guédiguian Le Promeneur du Champ de Mars. De même, à la télévision, Bernard Farcy et, plus récemment encore, Pierre Vernier, furent particulièrement convaincants dans la peau du Général de Gaulle. Il semblait donc presque improbable qu’André Dussollier ne soit pas à la hauteur d’un tel rôle, même si la question se pose toujours inconsciemment.

Mais à l’instar d’Antoine de Caunes et de son Coluche, Marc Dugain fait simplement le choix d’évoquer la silhouette du dictateur, et non pas de transformer l’acteur principal en sosie exact. Ainsi, le maquillage, constitué de quelques prothèses et autres textures permettant le vieillissement de la peau, n’est pas trop visible, et c’est finalement le jeu du comédien qui finit de nous convaincre. Loin de la caricature souvent propre à l’interprétation faite d’Hitler au cinéma, Dussollier compose un Staline plus nuancé, au point de le rendre véritablement fascinant. Son arrivée dans l’histoire du film est certes assez tardive, et donc frustrante, mais notre impatience se trouve immédiatement comblée.

Entre douceur et perversité, l’acteur, à l’image du personnage, nous glace à chacune de ses apparitions, aussi bien dans ses silences que ses discours. A ce sujet, Marc Dugain lui réserve des répliques d’anthologie, ainsi qu’à l’ensemble de son casting, telles que « N’oublie pas tes mains, je viendrai avec mes douleurs », « J’ai supprimé tous ceux qui m’étaient indispensables. Depuis ils ont prouvé qu’ils ne l’étaient pas », « C’est un des effets pervers des interrogatoires que de faire parler des gens à qui on ne demandait rien. », souvent déclamées avec à la fois beaucoup de prestance mais également de calme. L’acteur promène d’ailleurs sa silhouette ronde mais forte avec bonhomie, elle-même accentuée par un jeu de voix mélodieux grave et posé.

Néanmoins, cette gentillesse apparente sous-entend en fait un danger extrême. On sait que le moindre faux pas à l’égard de Staline amène inévitablement à la mort de ses « interlocuteurs ». Il le prouve d’ailleurs à de très nombreuses reprises, entre interrogatoires et exécutions arbitraires, sans que cela ne soit jamais montré à l’écran. Et c’est cette ultime puissance, ici cachée mais connue de tous, qui se trouve finalement être à l’origine d’une séduction à toute épreuve. Devant la caméra de Marc Dugain, le personnage semble inatteignable, à la limite de la « divinité ». En somme, le parcours et le caractère de ce personnage historique qui aura marqué l’Histoire se résument finalement dans la seule interprétation de Dussollier et l’on comprend rapidement comment un peuple tout entier a pu être envoûté par un homme politique aussi magistral et charismatique.

Sans nul doute, André Dussollier trouve là l’un de ses plus beaux rôles, prouvant, si besoin est, son incommensurable talent. Il incarne pour la première fois de sa longue carrière un personnage sombre et terrifiant avec toute la complexité qui en découle. Jusqu’à présent, rarement un acteur français nous avait offert une partition aussi vraie au sein d’une telle reconstitution (bien que mélangée de fiction). Il serait injuste que le public, voire la profession, ne lui rendent pas l’hommage qui lui est dû. Avec ce film, André Dussollier entre définitivement au Panthéon des plus grands comédiens du cinéma français.

Un face à face admirable, entre tension et émotion

La performance d’André Dussollier ne doit pas nous faire oublier le talent de Marina Hands, ici particulièrement émouvante et d’une justesse imparable, d’Edouard Baer, dramatique à souhait même si l’on aurait aimé que son personnage soit un peu plus développé, et de Grégory Gadebois, pensionnaire de la Comédie Française encore peu connu du grand public mais qui joue dans ce long-métrage un rôle d’une horreur inoubliable. Les spectateurs pourront d’ailleurs le retrouver cette même année dans le très attendu Gainsbourg, vie héroïque de Joann Sfar.

En outre, au delà d’être un simple film d’acteurs, Une exécution ordinaire présente un mélange de genres exceptionnellement réussi. Cette œuvre dramatique n’est pas dénuée d’humour (merci Denis Podalydès), et confronte une histoire d’amour intense à une réalité historique particulièrement dure. Pour sauver la vie de son époux, Anna n’a pas d’autre choix que de l’abandonner ; dès lors, elle peut se consacrer pleinement à Staline, malgré le mépris ressenti et les nombreux dangers qui la guettent. Les différents face à face entre le dictateur et son médecin jouent ainsi sur une adrénaline de chaque instant qui monte au fur et à mesure de leur étrange relation, et ce, jusqu’à un dénouement aussi fort qu’inattendu.
Enfin, Marc Dugain fait preuve d’une réalisation assurée et réfléchie, aidée par un scénario admirablement construit, conçu par ses propres soins, ainsi que d’une magnifique photographie signée Yves Angelo (Tous les matins du monde, Un cœur en hiver, Germinal, Stupeur et tremblements, Le Deuxième souffle...).

Le cinéma français tient là l’une de ses œuvres maîtresses qui, espérons-le, fera date dans l’Histoire. Un film incontournable en ce début d’année.


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