Les echos
L’ancienne centrale EDF de Saint-Denis, devenue Cité du cinéma sur une idée de Luc Besson, abrite les Studios de Paris, l’Ecole nationale supérieure Louis- Lumière et l’Ecole du cinéma. - Photo Hamilton/Réa
L’affaire de la Cité du cinéma entre dans sa phase judiciaire. Aujourd’hui, ou lundi au plus tard, le parquet de Paris va être officiellement saisi du dossier établi par la Cour des comptes sur le financement du complexe dédié au 7e art en Seine-Saint-Denis. En toute logique judiciaire, les magistrats parisiens devraient s’orienter vers l’ouverture d’une enquête préliminaire. Il s’agira de déterminer s’il y a eu délit de détournement de fonds publics et trafic d’influence.
C’est en effet à Paris que « La Nef Lumière », la société créée pour administrer la Cité du cinéma, est implantée, ce qui explique la compétence du parquet parisien. C’est d’ailleurs le montage de cette société qui a intrigué la Cour des comptes et déclenché l’enquête. Avant l’été, les services fiscaux de Seine-Saint-Denis s’interrogent sur les raisons du déménagement de l’Ecole Louis-Lumière dans les locaux de la Cité du cinéma, où elle s’est installée en juillet 2012. Quel intérêt a cette école de quitter des locaux dont elle était propriétaire pour venir s’implanter à la Cité, qui lui loue 7.736 m2 pour 1,9 million d’euros par an, soit l’équivalent de son budget annuel ?
Prudence de l’exécutif
Au cours de ses investigations, la Cour des comptes va mettre au jour la complexité du montage du financement de la Cité du cinéma. Et les juges financiers de retracer l’histoire : en 2004, Luc Besson, le fondateur et patron d’EuropaCorp, ne parvient pas à finaliser le tour de table pour son grand projet de Cité. C’est la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) qui va venir à sa rescousse. La Cour des comptes dispose des courriers échangés à l’époque entre la direction et le comité d’investissement de la CDC, qui avait émis un avis négatif. Mais l’opération se fera quand même : le bras armé financier de l’Etat va prendre, contrairement à ses usages, une participation très largement majoritaire dans « La Nef Lumière ». Les juges vont devoir s’interroger sur les motivations qui ont conduit la banque publique à se surengager en pleine crise économique.
Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement actuel reste à distance de la Cité du cinéma : emblématique de cette prudence, l’absence d’Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, à son inauguration en septembre 2012. La saisine de la justice n’étonne pas au sein de l’exécutif. Mais il tient à rester à l’écart de ce dossier, potentiellement explosif, compte tenu des personnalités citées dans le rapport de la Cour des comptes : l’ancien président de la CDC, Augustin de Romanet, ou encore l’ancien secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant.
Grégoire Poussielgue
Valérie de Senneville