Harvey Milk
Article mis en ligne le 13 janvier 2010
dernière modification le 10 janvier 2010
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Film américain de Gus Van Sant

Harvey Milk fut le premier Américain affichant son homosexualité à obtenir un mandat électif : en 1977, il est élu conseiller municipal à San Francisco. Aujourd’hui, qui s’en étonnerait ? A l’époque, c’est une minirévolution. Les images d’archives en noir et blanc qui ouvrent le film de Gus Van Sant remontent sans doute aux années 60 (on pense à Loin du Paradis, de Todd Haynes), mais elles surprennent toujours : rafles dans les bars gay, messieurs en costume qui se cachent le visage de peur d’être reconnus, clandestinité et peur d’assumer sa différence.

De fait, militant contre les discriminations sexuelles, Harvey Milk lutta en particulier contre le sénateur républicain John Briggs, dont la sinistre « Proposition 6 », confondant homosexualité et pédophilie, exigeait que soient immédiatement renvoyés des écoles et lycées les enseignants gay et lesbiens... On mesure le chemin parcouru, on sait aussi qu’on n’est à l’abri de rien, comme le montre l’abrogation du mariage gay en Californie.

Harvey Milk raconte ce combat, mais le dépasse aussi. Incarné par Sean Penn, dont l’interprétation a été saluée d’un oscar, Milk est un enfant du « jouir sans entraves », un apôtre humaniste de toutes les libertés (y compris, celle très américaine, d’entreprendre), un prosélyte de la transparence et de l’acceptation de soi (il pense à juste titre qu’un « coming out » massif sortira l’homosexualité de la marge). Sa lutte excède la cause gay.

Son destin personnel est le fruit d’un mouvement collectif auquel Gus Van Sant insuffle une incroyable énergie érotique. La politique est ici un « agir ensemble », et toute forme d’action collective, y compris à deux et amoureuse, est la bienvenue. On pense à cette sereine scène de drague dans le métro new-yorkais, où Sean Penn accoste et ramène chez lui James Franco ; on pense à cette façon qu’auront toujours Milk et ses proches de voir en l’autre, ami ou ennemi politique, un objet de désir potentiel. Cette érotisation du monde dépasse les préférences sexuelles.

Les acteurs sont pour beaucoup dans l’enthousiasme turbulent que dépeint et suscite le film. Et avant tout, la manière dont Gus Van Sant les regarde : le cinéaste a toujours manifesté une empathie bienveillante envers ses personnages. On retrouve dans Harvey Milk la tendresse à l’oeuvre dans la plupart de ses films. Méconnaissable avec sa prothèse nasale (on dirait Gérard Longuet, pourtant pas tout à fait du même bord que Milk !), maquillage qui sert la puissance d’incarnation propre au cinéma américain, Sean Penn tient le personnage sur une note - la ténacité souriante, l’appétit de séduire qui peut aussi servir en politique. Il laisse de l’espace aux autres : le lumineux James Franco, donc, mais aussi le jeune acteur mexicain Diego Luna, compagnons successifs de Milk. Ou encore Emile Hirsch, le héros de Into the wild, à la tête d’un très inhabituel staff de campagne.

Face à eux, Josh Brolin (vu dans W) joue avec subtilité, sous le masque du beauf, un politicien d’origine irlandaise dont les rapports avec Milk sont pour le moins ambivalents... Le récit ba­lisé, façon « biopic », fait la part belle aux scènes attendues (discours de campagne, soirs de défaite ou de victoire, conflit entre vie privée et vie publique). Mais le cinéaste le transfigure par un style inventif, synthèse de son art le plus radical (celui qui a donné Gerry ou Last Days) et de son talent de « story-teller » classique (Will Hunting ou A la recherche de Forrester). La façon très libre dont il mêle archives et fiction est remarquable, tout comme l’économie de moyens qui évite une reconstitution trop ostentatoire.

On ne déflorera pas grand-chose en révélant que Harvey Milk a été assassiné, onze mois après son élection, en même temps que le maire de San Francisco. On ne dira ni qui est le coupable ni dans quelles conditions eut lieu le double meurtre. Révélons juste que l’art de Gus Van Sant lui donne une étrange résonance : le crime évoque à sa façon la tuerie d’Elephant, sans que soit totalement exclue l’hypothèse d’un crime passionnel. Montrer sans rien asséner, expliquer sans rien résoudre, c’est tout l’art d’un cinéaste majeur qui signe ici l’un de ses films les plus accessibles et l’un des plus accomplis.

Aurélien Ferenczi dans Télérama


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